Vous connaissez évidemment le joli village de Mijoux, sa place Dame Pernette où vous pouvez faire une petite pause en écoutant le gazouillis du ruisseau La Bussode ou les enfants jouant avec les différents jeux du parc. Mais connaissez-vous la légende des œufs à la neige ?

Mais qui est Dame Pernette ? Qu’a-t-elle fait pour avoir son nom sur une place et une rue du village ?

Toute une histoire :

En 1314, Guillaume de Joinville était seigneur de Gex. En ce temps-là, le village de Mijoux dépendait de la seigneurie de Gex. Les Mijolands étaient astreints à une curieuse coutume : offrir le lundi de Pâques, au seigneur de Gex, un grand plat de neige ou une paire de bœufs blancs ! L’histoire ne nous dit pas qui avait institué cette curieuse coutume. Mais ce qui est certain, c’est qu’en cette année 1314, les habitants étaient forts inquiets car jamais ils ne pourraient faire l’offrande obligatoire.

Et pourquoi pas un plat de neige cette année-là ?

Et oui ! En effet un printemps précoce inondait la vallée. Une brise si tiède qu’en ce mois de mars où se trouvait la fête de Pâques il ne restait plus une plaque de neige sur les hauts plateaux du Jura. La vallée était verte comme une émeraude. La situation était critique ! Plusieurs fois les garçons les plus rapides étaient montés jusqu’au Crêt de la Neige. Mais vu la température, ils n’avaient ramené malgré tous leurs soins qu’un peu d’eau sale au fond de leur « bouille ». La précieuse neige fondait dès qu’elle quittait sa maison de rocher.

Mais, que faire sans neige?

Acheter une paire de bœufs, il n’en était pas question, cela coutait trop cher. Tout le village était dans l’angoisse, et tous étaient solidaires dans le malheur. On était à la semaine Sainte et aucune solution n’était trouvée. Un soir cependant, on vit venir chez Dame Pernette, l’aubergiste du village, Jules, le plus vieux berger et frère Benoît. Ils discutèrent longtemps, car tard dans la nuit, la lumière filtrait sous les volets clos. Le lendemain matin, les bergers apportèrent une bonne nouvelle ; Dame Pernette avait trouvé le moyen de les tirer d’embarras.

On connaissait Dame Pernette, aussi prudente que sage. On pouvait lui faire confiance et les mijolands attendirent la venue du Sire de Gex. Il arriva en ce beau lundi de Pâques avec quelques écuyers. Suivant le cérémonial, il fut reçu par trois moines à l’entrée du village. Les choses se passèrent comme à l’accoutumée. Et au début de l’après-midi, Guillaume de Joinville, à l’ombre d’un sapin recevait l’hommage de ses sujets.

Rosine, fille de Dame Pernette, toute rose et blonde, offrait la neige dans sa plus belle révérence, le plat fut reçu par un écuyer qui le posa à côté de lui, par terre. Tout semblait aller pour le mieux du monde et le défilé de ceux qui voulaient obtenir une faveur commença. Tout-à-coup, oh horreur, les chiens qui batifolaient aux alentours, léchaient avec une évidente satisfaction le plat de neige.

La colère de Guillaume de Joinville…

Le sire de Gex se leva, l’œil flambant de colère : « on s’est joué de moi, dit-il, je vous ferai tous pendre ». Frère Benoît, alors plein d’une dignité respectueuse, posa sa main sur le bras du Sire de Gex : « Non, Monseigneur, vous n’en ferez rien, nous sommes dans le Saint temps de Pâques, du reste l’offrande est valable, nous devons vous offrir de la neige, mais il n’est pas précisé laquelle ? Celle-ci est de la neige d’œufs, vous n’êtes ni lésé, ni offensé ».

Les célèbres œufs à la neige de Dame Pernette

Guillaume de Joinville était un sage, mais surtout un gourmand

En effet, s’il faisait pendre tous ces gens, c’en était fini des truites à la purée d’oignons de Dame Pernette ! De ces délicieux Chevrets qu’on lui apportait chaque semaine… « C’est bien dit-il, je pardonne, mais je voudrais bien goûter à mon tour à cette neige d’œufs ». Rosine ne se le fit pas répéter deux fois, dévala le raidillon, s’en fut à l’auberge de sa mère d’où elle revint bientôt, portant avec précaution une jatte de bois, où sur une crème d’or flottaient des boules de neige. Le Sir de Gex huma le doux parfum de vanille et savoura cette chose délicate et inconnue. Quand il eut vidé la jatte, un sourire illumina enfin son visage…

« Dorénavant dit-il, je ne veux plus d’autre neige en offrande. Je pardonne la supercherie et je condamne Dame Pernette à enseigner à mon cuisinier à faire cette neige d’œufs » !

C’est seulement lorsqu’on n’entendit plus les cailloux rouler sous les sabots des chevaux, que les poitrines, enfin se dilatèrent. Dame Pernette s’adressant à Frère Benoit résuma ainsi la situation :

« Mon frère, nous l’avons échappé belle ! »

Maintenant, lorsque vous dégusterez des œufs à la neige, ayez une pensée pour Dame Pernette. Elle sauva son village Mijoux, d’une servitude !