Décidant de profiter des dernières fraîcheurs de l’hiver avant que ne se déclare complètement le printemps, je partis en vacances chez mon oncle Albert, dans les Monts Jura. Il me fit alors découvrir le patois.

Profitant de ce séjour au maximum, il m’emmenait sur les crêtes de la haute chaîne du Jura admirer le paysage sur le lac Léman et la chaîne des Alpes, chacun un bâton de marche ou plutôt chacun sa bure, pour une “balade” matinale selon ses propos. A vrai dire, j’aurais plutôt appelé cela une randonnée aux vues du sentier escarpé qui s’était présenté à moi dès le début.

Je vous préviens de suite ! Mon oncle fait partie de ces personnes ayant fait toute leur vie dans leur chère montagne. Il arrive que je ne comprenne pas tout ce qu’il me raconte. Pas tant à cause des histoires qu’il me raconte (quoique parfois…). Mais du patois qu’il a acquis au fil des ans avec les habitants de sa région 😁

Je vous disais donc que nous étions sur les crêtes au Grand Montrond quand un grand vent frais très caractéristique de la période vint nous assaillir.

“ Cette agnafe m’a laissé babeu” entendis-je dire mon oncle près de moi. Un peu étourdie par le vent, je ne le compris pas tout de suite. Puis cela me revint ! Tante Rozanne m’avait expliqué quelques mots en me voyant si souvent désemparée face à ce vocabulaire, ce patois venu d’un autre temps. Le vent nous avait effectivement donné une bonne gifle qui nous laissait comme un air niais sur le visage. Un peu inquiète par tout ce vent qui nous faisait face, je lui demandai comment il allait. Me répondant “tant qu’à peu près”. Je le fixais un instant avec de grands yeux emplis tout autant d’incompréhension que d’amusement tandis qu’il se détournait déjà pour suivre le sentier.

Ce ne fut qu’en rentrant que je pu m’enquérir auprès de ma tante de la signification. Il n’allait “ni bien ni mal”, ce qui visiblement correspondait à notre “ça va” plus moderne.

Il sembla que ce vent nous ait dépeigné et laissé des guiches devant les yeux comme il dit. Ce sont des mèches rebelles décoiffées par ce souffle que je remis derrière mon oreille avant de me mettre en chemin pour rattraper mon oncle qui poursuivait sa balade.

En redescendant, nous croisâmes quelques enfants occupés à breiller (finalement j’aime beaucoup ce patois ! 😉) dans les névés, ces tas de neige restant sur l’herbe. Ils auront de la boue plein les chaussures ce soir !

Ils me firent penser à mes neveux ayant déjà repris l’école. Hum… avec la luge sur rail, les trottinettes électriques, les accro-branches et tant d’autres activités en pleine nature qui seront proposées cet été sur les Monts Jura, ils seraient ravis de rendre visite à leur famille ! Oncle Albert et tante Rozanne le seraient tout autant de les revoir après ces quelques années.

C’eut été amusant que les enfants de leur âge aient ce même parler du Haut-Jura. Mais même dans les villages de montagne, le patois laisse petit à petit place à un langage plus commun et répandu. 

J’entendis malgré tout chez ces bambins quelques intonations et tournures de phrases inhabituelles à mon oreille sonnant comme un air de patois.